#14 « Qu’est-ce que je fais en cas de crise ? »
Les traitements de la crise (ou aigus)
La 1re étape du traitement de la crise migraineuse est le repos… s’il est possible. Le migraineux peut se coucher ou simplement se reposer à l’écart dans une chambre à lumière tamisée et peu bruyante, s’il est à son domicile, ou utiliser un endroit calme et sombre à son lieu de travail pour autant que son employeur soit sensibilisé et ait prévu cette possibilité. Le repos ou la sieste, ne fût-ce que d’un quart d’heure, suffisent rarement seuls, sauf parfois chez l’enfant, mais renforcent clairement l’efficacité des traitements médicamenteux.
Parmi les médicaments les plus anciens utilisés pour traiter une crise de migraine figure pour mémoire le tartrate d’ergotamine, un dérivé de l’ergot de seigle, souvent combiné à la caféine (Cafergot®). Il devrait être abandonné pour trois raisons : son effet vasoconstricteur puissant et durable est dangereux pour le cœur, son efficacité est inférieure à celle des médicaments modernes et sa surconsommation entraîne facilement des céphalées par abus médicamenteux (Tfelt-Hansen et al., 2000) (voy. supra, # 6).
On distingue parmi les médicaments de la crise migraineuse les antalgiques simples (aspirine, paracétamol), les antalgiques combinés où ces substances sont associées entre elles, et/ou à la caféine ou la codéine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), aussi utilisés dans les rhumatismes, et les triptans qui sont seuls à être spécifiques pour la migraine. Des nouvelles molécules, comme les ditans et les gépants, également spécifiques à la migraine, sont déjà sur le marché aux USA et le seront bientôt en Europe. Elles ne sont pas plus efficaces que les triptans, mais n’ont pas d’effet vasculaire, ce qui permet de les utiliser avec plus de sécurité chez les migraineux souffrant de pathologies cardio-vasculaires (Färkkilä et al., 2012). Un autre avantage probable des gépants pourrait être de ne pas induire de céphalées par surconsommation, contrairement à tous les autres antimigraineux de crise, et de pouvoir dès lors être utilisés comme traitement préventif à condition d’en ingérer tous les jours (Fig. 72).
Tous les traitements aigus sont plus efficaces, s’ils sont pris tôt dès le début de la crise. Cependant, pour éviter une surconsommation de triptans et parce que les crises de migraine varient en sévérité chez le même individu et entre individus (voy. supra, # 7), il est préférable de stratifier le traitement (Fig. 73).
Figure 73 : Le traitement de la crise « par paliers »
Pour cela, il est nécessaire de doter le migraineux de plusieurs armes de puissance différente qu’il peut utiliser selon l’intensité de la crise, le moment auquel il décide de la traiter et son expérience antérieure avec les traitements. En général, les antalgiques ou les AINS suffisent pour interrompre une crise légère (palier 1), éventuellement associés à un spray intranasal de lidocaïne (Xylocaïne®) 4 %. Les AINS sont plus efficaces que les antalgiques à condition d’être pris à dose suffisante (p. ex., 600-1200 mg d’ibuprofène) et moins susceptibles de chroniciser la migraine en cas d’utilisation fréquente (Párdutz et Schoenen, 2010). Il faut donc les préférer, sauf s’il y a une insuffisance rénale, une hypertension artérielle ou une contrindication gastroentérologique. Dans ce dernier cas, on peut choisir un AINS qui bloque spécifiquement la cyclo-oxygénase 2 (anti-COX2) et est moins dangereux pour l’estomac.
Si la crise est plus intense, les triptans oraux sont plus efficaces : deux heures après la prise, 60 % des céphalées sont atténuées, 30 % ont disparu complètement. Parmi les trois triptans oraux remboursés par l’INAMI en Belgique, on constate globalement que l’efficacité augmente légèrement en passant du naratriptan par le sumatriptan au zolmitriptan, mais c’est aussi le cas pour les effets indésirables. L’efficacité et la tolérance de ces molécules, cependant, varient d’un sujet à l’autre. Si un triptan n’est pas efficace ou mal toléré, il faut en essayer un autre (Diener et al., 2002), ou parfois augmenter la dose. Si les triptans oraux n’aident pas, et surtout si les nausées sont importantes, on peut y associer un suppositoire comprenant un AINS, de la caféine, du dompéridone (Motilium®) et de l’amylocaïne ou de la lidocaïne (« ICAM ») (palier 2).
Pour une crise très sévère, l’injection sous-cutanée de sumatriptan par auto-injecteur (Imitrex®) est le plus efficace (Schoenen et al., 1994), mais ses effets secondaires, quoique non dangereux, peuvent être désagréables pendant une quinzaine de minutes ; l’alternative, ou le complément, est le suppositoire ICAM (palier 3). Pour une crise rebelle ou un état de mal migraineux (voy. supra, # 6), il peut être nécessaire d’administrer en injections intramusculaires un AINS (Ketorolac-Taradyl® ou Kétoprofène-Rofenid®) et un antinauséeux (Tiapride-Tiapridal® ou Alizapride-Litican®) pendant plusieurs jours, voire d’hospitaliser le patient pour un traitement intraveineux par clomipramine (Anafranil®) ou corticoïde (Solumédrol®) (palier 4) (Paemeleire et al., 2017 ; Ducros et al., 2021 ; Ashina et al., 2021) (Fig. 73).
S’il s’agit d’une crise de migraine avec aura, il n’est pas conseillé de prendre un triptan au moment de l’aura, mais seulement lorsque le mal de tête est déjà présent ; s’ils sont pris trop longtemps avant la céphalée, les triptans sont peu ou pas efficaces, contrairement aux AINS (Olesen et al., 2004).
Chez les enfants, la crise peut souvent être gérée par un AINS associé éventuellement à un antinauséeux et une sieste. Pour diverses raisons, les triptans sont en général moins efficaces chez l’enfant et l’adolescent que chez l’adulte (Lantéri-Minet et al., 2014).