Retour d’expérience sur la mise en œuvre d’une action collective de gestion de l’azote s’appuyant sur la mesure du REH dans les BAC de l’Aisne : la méthode AZUR

Julien Gaillard

Résumé

La mise en place de programmes d’actions dans les bassins de captage dits « Grenelle » a conduit la Chambre d’agriculture de l’Aisne, avec l’appui des instituts techniques, à mettre en place une nouvelle approche de gestion collective de la fertilisation azotée basée sur le suivi du reliquat entrée hiver (REH) : la méthode « AZUR ».

La démarche mise en œuvre à compter de 2012 avec le soutien financier de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et des collectivités, s’appuie sur un engagement volontaire des agriculteurs à suivre un ensemble de prescriptions visant à optimiser leurs pratiques de fertilisation azotée d’une part, et à participer à un réseau de suivi de reliquats azotés (REH – RSH) à hauteur d’une parcelle fixe par agriculteur d’autre part. Les prélèvements sont réalisés sur trois horizons de 30 cm dans une zone géoréférencée de chaque parcelle à une date déterminée sur la base d’un bilan hydrique pour le REH et autour du 15 février pour le RSH.

Les contrats d’une durée initiale de trois ans ont été reconduits au-delà pour certains, ce qui a permis à la Chambre d’agriculture de l’Aisne d’accumuler des chroniques de données sur six ans pour près de 200 parcelles. La méthode a été par la suite proposée à d’autres collectivités ou gestionnaires d’eau potable souhaitant travailler avec les agriculteurs sur l’amélioration de la qualité de l’eau. Pour la campagne 2020-2021, elle est mise en œuvre sur 60 parcelles réparties sur sept bassins d’alimentation de captage (BAC). Les territoires actuellement suivis sont dispersés sur le département de l’Aisne et occupent des conditions pédoclimatiques variées : limons hydromorphes de Thiérache, sols sableux du Laonnois, Champagne crayeuse… Les cultures rencontrées sont représentatives des secteurs étudiés : base commune de blé, orge, betterave et colza complétés par des cultures plus « locales » : maïs ensilage, pomme de terre, lin, luzerne, pois… en fonction de la localisation du BAC.

Les niveaux de reliquats médians mesurés en entrée d’hiver sont de l’ordre de 60 kg Nmin.ha-1 en moyenne depuis le début des mesures. On note néanmoins une forte variabilité annuelle (avec une médiane allant de 34 kg Nmin.ha-1 en 2013 à 96 kg Nmin.ha-1 en 2020) et entre les territoires, cette dernière étant davantage liée au contexte cultural qu’au contexte pédoclimatique. En effet, la succession culturale reste le facteur d’explication prédominant des valeurs de REH. On distingue des situations à « risque faible » : blé de betterave (REH médian de 37 kg Nmin.ha-1), colza de blé (36 kg Nmin.ha-1), interculture longue (43 kg Nmin.ha-1) ; et des situations à « risque plus élevé » : blé de colza (87 kg Nmin.ha-1), blé de légumineuse à graines (94 kg Nmin.ha-1), blé de pomme de terre (102 kg Nmin.ha-1). Ce qui montre la nécessité de travailler à l’échelle de la rotation pour bien analyser les contributions en nitrate.

La démarche d’animation repose sur l’accompagnement individuel et collectif des agriculteurs engagés et gravite autour du REH. Dans ce but, la Chambre d’agriculture de l’Aisne procède à l’analyse annuelle des valeurs de REH au regard du contexte pédoclimatique et des itinéraires techniques mis en œuvre par les agriculteurs. Outre les analyses de statistiques descriptives courantes, la taille réduite des réseaux de parcelles actuellement suivies permet une analyse assez fine de chaque situation relativement les unes par rapport aux autres.

Une fiche de synthèse présentant divers indicateurs (résultat mesuré sur la parcelle de l’agriculteur comparativement aux autres, pertes par lixiviation, minéralisation…) est fournie annuellement aux agriculteurs et sert de support de discussion lors d’entretiens individuels. Un bilan collectif annuel est également proposé chaque année.

Contexte et objectifs

Suite au Grenelle de l’environnement (2009), les services de l’État ont constitué une liste de 507 captages d’eau potable dit « Grenelle » au niveau national, sur lesquels doivent être menées des actions volontaires de reconquête de la qualité de l’eau. Six captages du département de l’Aisne furent concernés, tous à enjeux nitrate.

Lors des premières discussions visant la mise en place de programmes d’actions, il a d’abord été envisagé de proposer aux agriculteurs la mesure agro-environnementale territorialisée (MAET) Ferti01 « limitation de la fertilisation totale et minérale azotée sur grandes cultures et cultures légumières » dont le principe est de verser une aide financière en contrepartie d’un plafonnement des doses d’azote. Cependant les représentants de la profession agricole ont préféré s’orienter vers une mesure sans financement directe à l’exploitant et ne pénalisant pas la production.

En conséquence, la Chambre d’agriculture de l’Aisne, avec l’appui d’Arvalis et de l’Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales (AGPB), a proposé une nouvelle approche de gestion collective de la fertilisation azotée basée sur le suivi du reliquat azoté dans le sol en entrée d’hiver (REH). Cette approche qui constituera le socle des programmes d’actions en place sur les captages à enjeux nitrate prendra le nom de méthode « AZUR ».

Les objectifs d’AZUR sont :

  • de montrer que la profession agricole sait se mobiliser sur des actions environnementales ;
  • de proposer un cahier des charges avec des mesures facilement applicables et donc, potentiellement appliquées par tous les agriculteurs du territoire ;
  • de proposer des actions efficaces, d’un point de vue environnemental, et agronomiquement intelligentes ;
  • d’éviter des plafonds d’azote pénalisant la production.

AZUR : principes et mise en œuvre

En pratique, AZUR repose sur deux volets : optimisation de la gestion de l’azote d’une part et suivi des résultats via la mesure de REH d’autre part.

Ainsi, les agriculteurs se sont engagés volontairement pour une durée initiale de trois ans au cours de laquelle ils ont dû mettre en œuvre les actions suivantes :

  • respecter la dose bilan déterminée à partir de la mesure d’un reliquat en sortie d’hiver (RSH) ;
  • réaliser des mesures de biomasses pour les colzas d’hiver ;
  • fractionner les apports d’azote sur le blé (Triticum aestivum) en trois apports, sans dépasser 50 kg N.ha-1 et pas avant le 1er mars pour la première fraction ;
  • piloter le dernier apport d’azote sur blé avec un outil d’aide à la décision ;
  • fractionner les apports d’azote sur les autres cultures d’hiver ;
  • implanter des CIPAN en interculture longue ;
  • réaliser des analyses d’effluent organique, le cas échéant.

Ces mesures étant à respecter, conformément au plan d’actions en vigueur, soit pour toutes les parcelles cultivées par l’agriculteur au sein du Bassin d’Alimentation de Captage (BAC) ou alors uniquement pour une parcelle, en l’occurrence, celle sur laquelle les mesures de REH sont réalisées.

L’observatoire des REH a été constitué à raison d’une seule parcelle fixe par agriculteur. Les agriculteurs se sont par ailleurs engagés à fournir l’ensemble de leurs itinéraires techniques nécessaires à l’interprétation et à la compréhension des valeurs de REH mesurés.

La méthode AZUR a été mise en œuvre dès l’automne 2012, d’abord sur les BAC « Grenelle » de Landifay-et-Bertaignemont, Wiege-Faty, Morgny-en-Thiérache, Lesquielles-Saint-Germain et Croix-Fonsommes ; puis en 2013, sur le BAC de Marle. Sur ces territoires, la mesure a fait l’objet d’un co-financement direct par l’Agence de l’eau Seine-Normandie (intégrant coût des prélèvements et analyses, et temps d’expertise et d’animation). Initialement prévu pour une durée de trois ans, la méthode AZUR a finalement été reconduite annuellement sur ces territoires jusqu’à la campagne 2017-2018.

Par la suite, l’Agence de l’eau a souhaité basculer sur un modèle de financement indirect en passant par les collectivités gestionnaires des captages. Ces dernières devant dès lors recourir à des offres de marché publics pour leur plan d’actions.

La Chambre d’agriculture de l’Aisne a répondu et remporté plusieurs appels d’offres sur le département en proposant la méthode AZUR : BAC de Licy-Clignon et Monthiers en 2016, Braye-en-Thiérache, Plomion et Guignicourt en 2018. Sur ces territoires, les marchés ont été conduits sur une durée de trois ans.

Au total, la Chambre d’agriculture de l’Aisne a mis en œuvre la méthode AZUR sur une dizaine de BAC depuis 2012 et ainsi accumulé des chroniques de données pour plus de 200 parcelles (tableau 1).

Tableau 1. Territoires sur lesquels la Chambre d’agriculture de l’Aisne a mis en œuvre la méthode AZUR.
BAC Statut du BAC à la date de mise en place de la mesure AZUR Début de la mesure Fin de la mesure Superficie du BAC Nombre moyen de parcelles engagées au cours du suivi
Landifay-et-Bertaignemont Grenelle 2012 2018 8 940 ha 85
Wiege-Faty Grenelle 2012 2018 1 082 ha 39
Morgny-en-Thiérache Grenelle 2012 2018 236 ha 14
Lesquielles-Saint-Germain Grenelle 2012 2018 1 536 ha 35
Croix-Fonsommes Grenelle 2012 2018 291 ha 5
Marle / 2013 2018 584 ha 14
Licy-Clignon et Monthiers Prioritaire 2016 2022 414 ha 6
Chézy-en-Orxois Prioritaire 2019 2022 51 ha 1
La Ferté-Milon Prioritaire 2019 2022 184 ha 2
Braye-en-Thiérache / 2018 2021 477 ha 10
Plomion Conférence 2018 2021 158 ha 11
Guignicourt Prioritaire 2018 2021 910 ha 22

Méthode

Engagement des agriculteurs

La méthode AZUR est une démarche collective visant l’amélioration de la qualité de l’eau initialement sur des BAC « Grenelle ». Afin de répondre à cet enjeu, le réseau a d’abord été construit avec comme premier objectif d’impliquer un maximum d’agriculteurs. Un objectif de 80 % des agriculteurs cultivant sur un BAC a été fixé tant pour montrer l’implication de la profession que pour avoir une bonne représentativité et une certaine efficacité. Par la suite, dans le cadre des marchés publics, le nombre d’agriculteurs à engager relevait du cahier des charges du marché considéré.

Afin d’entériner la participation de l’agriculteur, un contrat d’engagement rappelant l’ensemble du cahier des charges AZUR (pratiques recommandées, libre accès pour les prélèvements de reliquats, fournitures de données…) et précisant la parcelle choisie pour la mesure des REH devait être signé. L’engagement était valable pour une durée de base de trois ans.

Concrètement, la signature de ces actes d’engagement a été le plus souvent organisée en deux phases : d’abord une présentation de la démarche en réunion collective suivi par des rendez-vous individuels.

Choix des parcelles

Pour chacun des agriculteurs engagés dans la mesure AZUR, une parcelle fixe a été choisie pour faire partie du panel de mesures de reliquats (REH et RSH). Cela permettait d’avoir une photographie annuelle jugée suffisamment représentative en termes de situation culturale. Dans les cas où des agriculteurs étaient surreprésentés en termes d’occupation du territoire dans le BAC, il était possible d’ajouter des parcelles supplémentaires.

La parcelle a été choisie à l’occasion du rendez-vous d’engagement individuel entre l’agriculteur et l’animateur. Les critères pris en compte dans le choix de la parcelle étaient la représentativité, la sensibilité du milieu, l’homogénéité des sols. Des parcelles a priori difficiles à interpréter (sols très hétérogènes, historique particulier, découpages annuels très variables) ou présentant des contraintes techniques au prélèvement (drains peu profonds, gazoduc…) étaient exclues d’office.

Prélèvements et analyses

Une fois la parcelle sélectionnée, la zone de prélèvement est choisie au sein d’une zone homogène à distance des bordures, fourrières, zones de dépôt de fumier, zones susceptibles d’être redécoupées… Cette zone est géoréférencée : les prélèvements sont réalisés toujours au même endroit d’une année sur l’autre.

Date de prélèvement

La date de mesure des REH est déterminée sur la base d’une estimation du remplissage de la réserve utile des sols au moyen de bilans hydriques : pour chaque BAC, des bilans hydriques sont calculés pour le type de sol majoritaire et deux successions culturales typiques du territoire (ex : blé après colza (Brassica napus) et betterave (Beta vulgaris) après blé). Ces bilans hydriques sont actualisés toutes les semaines avec les données météorologiques relevées à la station la plus proche des BAC concernés (figure 1). L’ordre d’échantillonnage est transmis au laboratoire lorsqu’on arrive à 90 % de remplissage de la réserve utile (une seule date est fixée pour chaque BAC).

Depuis que cette méthode est appliquée dans l’Aisne, suivant les années et les BAC, les dates d’échantillonnage se sont étalées entre le 30 octobre et le 10 décembre.

Figure 1. Bilan hydrique pour un sol de type Craie de Champagne en blé après colza.

Méthode d’échantillonnage

Les prélèvements de sol pour dosage de reliquats azotés sont réalisés conformément à la méthodologie recommandée par le LDAR et l’INRAE de Laon : prélèvement « en cercle » de 15-20 m de diamètre au sein de la zone géoréférencée représentative de la parcelle. Les prélèvements sont réalisés par un préleveur agréé du LDAR sur trois couches de 30 cm avec une gouge hydraulique montée sur quad à raison d’une dizaine de carottages par prélèvement.

En pratique et afin de permettre le maximum de prélèvements sur un minimum de temps, les prélèvements sont réalisés sans prise de rendez-vous avec les agriculteurs. La Chambre d’agriculture fournit chaque année la carte actualisée des points de prélèvements ainsi qu’un tableau récapitulatif précisant, pour chaque zone de prélèvement, l’identité et les coordonnées de l’agriculteur, les coordonnées GPS de la zone à prélever et la nature de la culture en place si elle est connue.

Afin de prévenir les agriculteurs du passage du préleveur sur leurs parcelles, la Chambre d’agriculture envoie un SMS la veille de la période d’échantillonnage à l’ensemble des agriculteurs concernés.

Collecte des données

Afin d’interpréter les valeurs de reliquats analysés, il est indispensable d’avoir un minimum d’informations sur la parcelle (type de sol, historique, culture en place…), son itinéraire technique (précédent, fertilisation, cultures intermédiaires (CI)…), et le contexte annuel (rendement, accident cultural éventuel, conditions climatiques…).

À l’exception des conditions climatiques, ces informations sont détenues par les agriculteurs qui doivent donc les transmettre à la Chambre d’agriculture sans filtre réglementaire afin de pouvoir contextualiser les résultats d’analyses, de comparer les résultats mesurés entre les diverses parcelles, de permettre le calcul des pertes…

Dans le cas de la méthode AZUR, les parcelles analysées étant fixes, le type de sol et le contexte historique sont collectés à l’occasion de l’engagement de l’agriculteur au début de la mesure. Pour la suite, les informations relatives à l’itinéraire technique sont collectées annuellement au moyen d’une fiche de renseignements. Là encore, le fait d’avoir des parcelles fixes permet de vérifier a minima certains éléments (tels que la continuité entre la culture précédente et suivante ; les dates de récolte et dates de semis…).

Afin de ne pas solliciter inutilement les agriculteurs, une seule fiche de renseignements est utilisée aussi bien pour le REH que le RSH, à savoir la fiche AzoFert® du LDAR. AzoFert® est le logiciel d’interprétation du RSH développé par l’INRA et le LDAR. C’est un outil basé sur un bilan complet et dynamique qui nécessite donc davantage de données comparativement à un outil statique tels que ceux reposant sur le référentiel du GREN des Hauts-de-France. Il nécessite notamment les dates des interventions (date de semis, de récolte, d’implantation et destruction des CI, l’éventuelle présence de repousses, les apports de produits organiques…) qui sont des informations précieuses également pour comprendre les REH. Le tableau 2 précise la liste des données collectées via la fiche de renseignements AzoFert®.

D’un point de vue pratique, la fiche de renseignements pré-remplie (éléments récurrents tel que le type de sol ou les habitudes culturales ; culture précédente) est complétée lors d’un entretien entre l’agriculteur et l’animateur courant janvier. À l’occasion de cet entretien, toutes les autres informations (difficultés de levées des couverts, pression parasitaire, etc.) susceptibles d’expliquer les valeurs de REH mesurés et qui ne figurent pas sur la fiche de renseignements sont également collectées.

Sur les BAC où le nombre élevé d’agriculteurs engagés ne permet pas de procéder à ces rendez-vous individuels, les fiches sont envoyées par courrier aux agriculteurs. Ils doivent la remplir et la retourner à la Chambre d’agriculture qui procède à une vérification et rappelle les agriculteurs le cas échéant avant de les retourner au LDAR afin que le laboratoire fournisse directement aux agriculteurs les conseils de fertilisation mi-février. Le LDAR envoie ensuite à la Chambre d’agriculture le récapitulatif des renseignements collectés et des détails des calculs AzoFert®. Les REH de l’année N ne peuvent donc pas être étudiés finement avant la fin de l’hiver de l’année N+1, et en pratique l’étude des résultats est réalisée durant l’été.

Tableau 2. Liste des données collectées via la fiche de renseignement AzoFert®.

Les autres informations nécessaires sont notamment les données météorologiques : pluviométrie, évapotranspiration, température sur la durée de l’étude. Il est également nécessaire de disposer de références climatiques dites normales. La Chambre d’agriculture utilise le réseau de stations météorologiques régional afin de disposer de données météorologiques à proximité des BAC, au besoin complété par des données Météo France.

Traitement des données et interprétations des REH

L’ensemble des données (résultats d’analyses, informations issues des fiches de renseignements AzoFert®, données météorologiques) est compilé dans un tableur Excel. L’interprétation des REH réalisée dans le cadre de la méthode AZUR repose essentiellement sur l’analyse comparative des valeurs au regard des pratiques et du contexte climatique annuel. Cette analyse est réalisée annuellement selon le déroulé suivant :

a)  Contexte « territorial » : contexte pédologique, vulnérabilité du BAC, systèmes agricoles…

La méthode AZUR étant généralement mise en place pour une durée de trois ans avec un réseau de parcelles fixes, l’étude du contexte pédologique et des systèmes agricoles rencontrés est réalisée uniquement la première année de suivi. Il s’agit du descriptif du territoire d’étude, des parcelles suivies (notamment de leurs caractéristiques pédologiques sur la base de la carte des sols de l’Aisne). L’étude des systèmes se limite aux rotations types du territoire et la mise en évidence des différences de systèmes entre les exploitations concernées telles que la présence d’élevage et l’utilisation de produits organiques, la présence de luzerne dans la rotation…

b)  Étude du contexte annuel : climat de l’année, conditions de prélèvement et d’analyse des reliquats, cultures en place.

Le contexte annuel est surtout étudié au travers des conditions climatiques de la période estivale à la date de mesure du REH puis entre la date de mesure du REH et celle du RSH. La première période permettant d’aider à comprendre les valeurs de REH, la seconde d’estimer les pertes par lixiviation. Le paramètre majeur étudié est le régime des précipitations. Les dates de début drainage sont vérifiées a posteriori via l’actualisation des bilans hydriques d’une part, et la vérification des humidités mesurées dans les échantillons de sol REH d’autres part.

Pour les BAC sur lesquels peu de parcelles sont suivies, l’assolement de l’année a un impact sur le résultat global du BAC. En effet, par le jeu des rotations, le REH moyen du BAC peut être biaisé par la surreprésentation de certaines successions culturales. On s’attarde donc sur la répartition des cultures, la proportion d’intercultures courtes et longues, la présence de CIPAN, l’utilisation de produits organiques…

c)  Analyse des résultats (statistiques descriptives), calcul des pertes

Les résultats de la campagne de mesure de REH sont traités par des statistiques descriptives simples : minimum, maximum, moyenne, médiane, histogramme de distribution des reliquats. Les médianes sont comparées aux résultats des années antérieures sur le même territoire et à celles des autres territoires pour la même année. Les pertes par lixiviation sont calculées avec un modèle de Burns (1976) entre la date de mesure du REH et du RSH.

d)  Calcul de REH objectifs

Le calcul d’objectifs de REH est réalisé depuis 2018 à la demande de l’Agence de l’Eau Seine Normandie sur certains BAC de l’Aisne. La méthodologie appliquée repose sur la détermination d’un objectif de concentration en nitrate sous-racinaire et sur le calcul du REH permettant d’obtenir cette valeur (Burns à l’envers). Une seule valeur de REH cible est calculée pour le BAC. Cette valeur est d’abord déterminée a priori sur la base de données climatiques moyennes puis est actualisée chaque année pour tenir compte de la météo. L’occupation du sol et les dates de présence des cultures sont considérées fixes sur la durée de l’étude et ne sont donc pas actualisées chaque année.

Le REH objectif est calculé en deux temps :

Étape 1 : déterminer un objectif de concentration sous-racinaire. L’objectif de concentration au captage est fixé par l’Agence de l’eau et/ou la collectivité. Pour faire le calcul, on fait l’hypothèse de transferts uniquement verticaux et homogènes limités au périmètre du BAC. On ne tient pas compte des différences de vulnérabilité liées à l’hétérogénéité des sols et sous-sols. Les concentrations sous les zones autres que des cultures sont fixées et l’objectif de concentration sous culture est calculé par proportionnalité. Les données nécessaires sont donc l’occupation du territoire et les hypothèses de concentration en nitrate hors zones de culture (fixées à 10 mg.L-1 sous forêts, 20 mg.L-1 sous prairies et zones habitées).

Étape 2 : calcul du REH permettant d’obtenir l’objectif de concentration sous racinaire. Pour cela, il est nécessaire d’estimer le cumul de pluies pouvant provoquer de la lixiviation. Les données nécessaires sont les relevés de précipitations et d’évapotranspiration, les coefficients d’évapotranspiration culturaux et la réserve utile moyenne des sols du BAC. Les données climatiques sont annualisées et issues de la station météorologique la plus proche. Les coefficients d’évapotranspiration culturaux ont été déterminés pour chaque période décadaire en fonction de l’assolement moyen pour le système de culture de la région (calcul de coefficients culturaux moyens pondérés par les surfaces assolées). Grâce à la carte des sols de l’Aisne, il est possible de connaître avec une bonne précision la répartition des différents types de sols sur le territoire et donc de calculer une réserve utile pondérée. En procédant ainsi, on peut calculer la pluie efficace pour la campagne étudiée ou pour des conditions climatiques normales. La dernière étape consiste à déterminer la valeur de REH en utilisant la relation entre la concentration en nitrate sous racinaire et la pluie efficace. Deux objectifs sont calculés : un REH « a priori » sur la base du cumul des pluies efficaces normales ; un REH annuel ou « a posteriori », sur la base du cumul des pluies efficaces de l’année.

e)  Analyse fine des résultats et recherche de facteurs explicatifs

L’objectif est de mettre en évidence les relations entre les pratiques et les résultats :

  • hiérarchie entre les différentes successions culturales : mise en évidence de succession à risque faible / à risque élevé,
  • pour chaque succession culturale : recherche des différences en termes de pratiques culturales, de passé des parcelles, de système… pouvant expliquer les écarts mesurés. Les facteurs à étudier sont multiples et variables en fonction de la situation : éléments relatifs au développement des CIPAN pour les intercultures longues (date de semis, durée de végétation, niveau de développement, espèces…), gestion des résidus du précédent, travail du sol, date de récolte du précédent, situation avec surfertilisation importante ou accident cultural, apport organique d’été-automne…

f)  Évolution interannuelle des résultats

L’objectif est de mettre en évidence les parcelles génératrices de fort REH et inversement. Cet aspect ne peut être abordé qu’à partir de trois années successives de données. Le tableau 3 illustre la diversité des situations rencontrées dans un même BAC.

Tableau 3. Classification des parcelles du BAC de Guignicourt en fonction des valeurs de REH mesurées au cours des trois années d’études (les valeurs soulignées sont inférieures au 1er quartile de l’année et les valeurs en gras sont supérieures au 3ème quartile de l’année).
Identifiant REH 2018 REH 2019 REH 2020
6836

7877

4723

6808

7319

7136-2

3730-1

3730-2

6779

6983

5198

6094

6241

3984

3634

5947

7136-1

6161

5322

5326

6369

7209

83,7

57,8

53

77

77,7

83,7

118,2

92,2

81,5

103,1

104

72,9

48,7

118

97,3

165,5

93,4

171,6

178,5

151,7

198,6

215,2

29,7

27,2

61

21,5

50,4

45,3

32,6

54,9

25,3

52,7

39,5

12,6

112,1

35,5

60

33,7

45,1

85,6

145,5

326,7

139,1

64,6

56,7

95,4

72,8

91,5

70,3

86,7

79,7

134

95,9

128,3

201,7

158,7

170

175,8

147,3

217,1

154,9

178,3

126,2

296,5

560,1

Valorisation et diffusion des données

Dans le cadre de la méthode AZUR telle qu’elle est mise en œuvre sur les BACs de l’Aisne, les cibles de diffusion des données sont les agriculteurs engagés dans la mesure, les autres agriculteurs du BAC, la collectivité et le financeur.

L’ensemble des données est anonymisé. Les bulletins de résultat d’analyse de reliquats sont transmis chaque année aux agriculteurs engagés et à la collectivité. Une fiche individuelle de résultats AZUR est également envoyée chaque printemps aux agriculteurs engagés. Cette fiche récapitule les résultats d’analyse de reliquats et est complétée par divers indicateurs (calcul des pertes de nitrate, de minéralisation, synthèse des conditions climatiques…). Elle permet à l’agriculteur de se positionner au sein du panel et donne des pistes d’explications. L’objectif de cette fiche est de servir de support dans le cadre d’entretiens entre agriculteurs et l’animateur. Des entretiens individuels sont en effet proposés aux agriculteurs engagés.

Un bilan annuel est rédigé à destination de la collectivité et de l’Agence de l’eau. Il reprend l’ensemble du descriptif du panel de parcelles, du contexte pédoclimatique, des résultats mesurés, des pratiques de gestion de l’azote (fertilisation, CI…) et conclut sur quelques recommandations.

Ce bilan est également présenté au cours d’une réunion annuelle à laquelle sont conviés les agriculteurs du BAC.

Analyse des résultats

En termes d’engagements, sur les BAC « Grenelle », la Chambre d’agriculture de l’Aisne, avec l’aide de ses partenaires, a pu atteindre un taux d’adhésion de 79 % des agriculteurs.

Concernant l’analyse des résultats des REH, la Chambre d’agriculture de l’Aisne a notamment pu mettre en évidence (ci-après) les cinq principaux facteurs explicatifs des valeurs de REH pour les systèmes d’exploitation et contextes pédoclimatiques étudiés.

Les conditions climatiques (effet annuel)

On a pu observer une importante variabilité des valeurs de REH d’une année sur l’autre (Figure 2 ; une cinquantaine d’observations par campagne de mesure) avec des valeurs médianes pouvant aller du simple au double pour un même territoire.

Cette variation annuelle est essentiellement liée aux températures et au régime des précipitations. Ces deux paramètres influent sur les vitesses de minéralisation et la croissance des couverts en place. Les précipitations influent également sur les pertes par lixiviation, qui ne sont pas censées entrer en compte pour les REH mais concernent surtout les RSH.

 

Figure 2. Illustration de la variabilité annuelle des valeurs de reliquats (sur 90 cm ; BAC de Guignicourt, Licy-Clignon, Braye-en-Thiérache et Plomion).

Le contexte agropédoclimatique (effet BAC)

Il s’agit des écarts, pouvant être importants, observés entre les différents territoires étudiés pour une même année. C’est donc un effet cumulé du contexte pédoclimatique et des systèmes d’exploitation puisque d’un territoire à l’autre, les cultures pratiquées variaient de même que le recours aux amendements organiques en fonction de la présence ou non d’élevages.

Tableau 4. Caractéristiques de BAC suivis par la Chambre d’agriculture de l’Aisne et REH moyens (sur 90 cm).
BAC Types de sol majoritaire Importance de l’élevage Cultures principales Précipitations annuelles REH moyen 2018-2020
Guignicourt craie de Champagne, sable calcaire betterave, blé, colza, orge, luzerne 676 mm 112 kg Nmin.ha-1

IC95 % = [91 ; 132]

Braye-en-Thiérache limon moyen profond, limon moyen hydromorphe ++ betterave, blé, colza, orge, maïs fourrage, pomme de terre, lin 762 mm 74 kg Nmin.ha-1

IC95 % = [77 ; 123]

Plomion limon moyen hydromorphe +++ maïs fourrage, blé, colza, orge, pomme de terre 762 mm 100 kg Nmin.ha-1

IC95 % = [37 ; 109]

Licy-Clignon limon argileux profond + betterave, blé, colza, orge 708 mm 78 kg Nmin.ha-1

IC95 % = [62 ; 94]

La succession culturale

Il s’agit du facteur explicatif majeur, toutes choses égales par ailleurs. Une hiérarchie est systématiquement mise en évidence en fonction de la nature du couple précédent cultural – culture suivante et de la gestion de l’interculture qui en découle (figure 3). On peut ainsi distinguer :

  • les successions à « risque faible ». Il s’agit des successions pour lesquelles le précédent génère des reliquats post-récoltes faibles et/ou le couvert en place avant la date de début drainage a une bonne efficacité d’absorption de l’azote minéral disponible dans le sol. On retrouve dans cette catégorie les blés de betteraves (précédent récolté tardivement et sans senescence avant la récolte), les colzas de céréales à paille (culture implantée tôt avec une forte capacité d’absorption de l’azote durant l’automne) et les céréales à paille suivie d’une CIPAN. Pour ces deux dernières situations, les apports organiques éventuellement effectués en fin d’été ou automne ne remettent pas en cause leur classement. On retrouve également dans cette catégorie, les luzernières en place ;
  • les successions à « risque intermédiaire ». Il s’agit des situations qui génèrent des valeurs de REH médianes et/ou fortement variables suivant les parcelles et les années. On retrouve ici les céréales d’hiver de céréales à paille et les céréales d’hiver derrière maïs ;
  • les successions à « risque élevé » qui génèrent quasi systématiquement des valeurs de REH élevées : céréales d’hiver avec pour précédent des légumineuses à graines, de la luzerne, des pommes de terre, du lin fibre et du colza. Pour toutes ces situations, on est en présence de précédents qui génèrent des reliquats post-récoltes importants suivis par des cultures à faible capacité d’absorption automnale.

 

Figure 3. REH 2013 – 2017 suivant le type de succession – BAC AZUR (sur 90 cm).

L’itinéraire technique

Pour une même succession culturale et un même contexte pédoclimatique, nous avons toujours observé une certaine variabilité des valeurs de REH. La confrontation de ces valeurs avec le détail des itinéraires techniques déclarés par les agriculteurs a permis de mettre en évidence l’impact de certaines pratiques dont :

  • la date de récolte de la betterave pour la succession betterave – blé (figure 4) ;
  • la gestion des pailles du précédent pour la succession blé – blé ;
  • la durée de maintien des repousses de colza pour la succession colza – blé ;
  • la date de destruction de la luzernière pour la succession luzerne – blé ;
  • la présence, nature et niveau de développement des couverts d’interculture ;
  • la nature, la quantité et la date des amendements organiques pour les successions avec interculture longue.

 

Figure 4. Impact de la date de récolte du précédent betterave sur les REH (sur 90 cm ; BAC de Guignicourt, 2019).

Par ailleurs, au cours des suivis réalisés par la Chambre d’agriculture sur les divers BAC depuis 2012, aucune relation entre la fertilisation azotée du précédent (sur base des déclarations des agriculteurs) et les valeurs de REH n’a pu être mise en évidence (figure 5), sauf situations exceptionnelles avec accidents culturaux, non récolte et sur-fertilisation extrême.

Figure 5. Relation entre bilans azotés post-récoltes et REH (sur 90 cm ; BAC de Guignicourt).

Les effets exceptionnels

Au cours des suivis réalisés par la Chambre d’agriculture, certaines années, des situations particulières impactant les valeurs de REH ont modifié la hiérarchie habituelle entre successions culturales.

On peut citer notamment la sécheresse de fin d’été qui a eu un impact négatif sur le développement des CIPAN et des repousses de colza et donc sur leur absorption d’azote.

On a également pu observer l’impact d’un facteur biotique, en l’occurrence la jaunisse de la betterave liée à une forte pression puceron au cours de la campagne 2020, qui s’est traduit par des reliquats anormalement élevés pour la succession betterave – blé cette année dans les secteurs les plus touchés.

Difficultés rencontrées

Mesure du REH

Date de prélèvement des échantillons de sol

Lors des premières campagnes de mesure de REH réalisées dans l’Aisne sur les BAC Grenelle, les prélèvements étaient réalisés à une date fixe convenue avec le laboratoire. L’expérience a rapidement montré que ce n’était pas une solution viable. En effet, les mesures réalisées fin novembre 2013 (deuxième campagne de mesure de REH dans l’Aisne) se sont avérées a posteriori trop tardives compte-tenu des précipitations automnales importantes. Les REH mesurés étaient très bas et leur interprétation délicate compte-tenu de l’incertitude sur la lixiviation. C’est pourquoi il a été décidé de calculer annuellement la date de début drainage pour chaque BAC à partir de 2014.

Organisation des prélèvements

Lors des premières campagnes de mesure, la Chambre d’agriculture de l’Aisne se chargeait de l’organisation des prélèvements (contrats, affectation des préleveurs, organisation du travail, aspects pratiques et documentaires…). Cette activité très chronophage et demandant une organisation sans faille a ensuite été confiée au laboratoire LDAR pour qui la gestion des prélèvements fait partie de ses métiers.

Quelques problèmes d’identification des parcelles ont été rencontrés. En effet, l’organisation impliquait d’envoyer le préleveur sur un BAC pour qu’il prélève des échantillons de sol sur toutes les parcelles en une ou deux journées et sans contact direct avec les agriculteurs. Pour cela, un tableau récapitulatif des parcelles à échantillonner était fourni avec les coordonnées GPS et une carte sur laquelle chaque parcelle était identifiée par son numéro. Cependant chaque année, des agriculteurs n’ayant pas vu le préleveur dans leur champ ou ne trouvant pas de trace de roues, déclaraient que les prélèvements n’avaient pas été faits ou qu’ils avaient été réalisés dans une autre parcelle.

De plus certains agriculteurs ont procédé à des échanges de parcelles, des ventes ou des reprises au cours du suivi ; le plus souvent sans prévenir la Chambre d’agriculture qui se retrouvait alors avec des analyses d’échantillons sans correspondance avec les fiches de renseignements.

La traçabilité des échantillons fut également délicate à organiser puisque les fiches de renseignements accompagnant habituellement les échantillons de sol étaient gérées à part.

Il a donc fallu s’améliorer au cours des campagnes d’échantillonnage successives et quelques années ont été nécessaires pour arriver à une organisation satisfaisante.

Collecte des données auprès des agriculteurs

Les informations sur l’itinéraire technique des parcelles sont fondamentales pour comprendre et interpréter les mesures de reliquat. Cependant, quel que soit le territoire étudié, la collecte des données a toujours été relativement difficile. Sur les BAC « Grenelle », les informations devaient être renseignées directement par les agriculteurs via le remplissage de la fiche de renseignements AzoFert®. Bien que cette fiche soit déjà maitrisée par les agriculteurs puisque utilisée depuis de nombreuses années pour l’interprétation des RSH mesurés au LDAR, un faible taux de remplissage était régulièrement constaté. Il a donc fallu mettre en place une équipe de relecture et de relance téléphonique. Néanmoins, la qualité (ou défaut) de certains renseignements est restée sujet à caution (exemple : l’absence d’information sur des repousses de colza signifie-t-il l’absence de repousses ou est-ce une omission ?).

Par la suite, sur les BAC en marché public, les fiches de renseignements ont été complétées par l’animateur lors d’entretiens individuels avec les agriculteurs, améliorant grandement la complétude et la qualité des renseignements collectés.

Par ailleurs, au cours des diverses campagnes, certaines informations importantes mais manquantes pour comprendre les valeurs de REH ont été mises en évidence, telles que la présence de maladie, le développement des CIPAN, les difficultés de levée de la culture d’hiver, le détail du fractionnement et la valorisation des apports d’azote. Ces informations n’ont pu être collectées que lors de la mise en place d’entretiens individuels pour les derniers BAC étudiés. Une fiche de données complémentaires sur la gestion des intercultures et des repousses de colza avait été proposée sur les BAC « Grenelle » en 2013-2014, mais vu le très faible taux de retour, elle n’a pas été reconduite.

Démotivation des agriculteurs

Sur les BAC « Grenelle » pour lesquelles la méthode AZUR a été mise en œuvre durant six années successives, une érosion de l’implication des agriculteurs s’est notamment traduite par une moindre participation aux réunions d’information collectives et par une plus grande difficulté pour collecter les données. Au final, pour certains agriculteurs, la démarche innovante et intéressante est devenue une mesure routinière nécessaire au plan d’action du BAC. En cause vraisemblablement, le contenu de la méthode AZUR ainsi que la démarche d’accompagnement et l’animation proposée qui n’ont pas évolué au cours du temps.

Difficultés d’interprétation

Malgré les données collectées sur les itinéraires techniques, les échanges avec les agriculteurs et avec les experts (INRAE, LDAR, Agro-Transfert RT), il y a chaque année une part de résultats difficilement explicables. Ces cas sont d’autant plus ennuyeux que ce sont eux qui interpellent les agriculteurs.

De plus, l’analyse des valeurs de REH est essentiellement relative (comparaison des parcelles et des situations entre elles et par rapport à la moyenne du panel) (figure 6) et l’absence de références permettant de juger si le chiffre est plutôt « bon » ou « à améliorer » s’est avérée gênante.

 

Figure 6. Impact du contexte agronomique sur les REH mesurés sur un BAC (Licy-Clignon, 2016).

Calcul et utilisation des objectifs de REH

La méthode proposée par l’Agence de l’eau Seine-Normandie présente l’intérêt de donner une valeur de référence reposant sur un objectif compréhensible par tous.

C’est un outil intéressant qui a le mérite de chiffrer l’effort à fournir par les agriculteurs. Par contre, son utilisation sur les derniers BAC suivis par la Chambre d’agriculture de l’Aisne a mis en évidence qu’en fonction des systèmes et des contextes pédoclimatiques, l’objectif de REH peut être facilement atteignable dans certaines situations ou à l’inverse complètement inatteignable même avec les méthodes d’optimisation « classiques » de gestion de l’azote sans revoir les systèmes voire l’occupation des sols (figure 7).

La méthode et donc la valeur des objectifs calculés restent sujet à caution au vu du grand nombre d’approximations.

 

Figure 7. Distribution des REH (sur 90 cm) et comparaison à deux objectifs de résultats dans le BAC de Guignicourt (2020).

Échelle de travail

L’analyse des données dans le cadre de la méthode AZUR s’est surtout concentrée à l’échelle de la parcelle et de la succession culturale.

Pour ce qui est de l’échelle spatiale, bien qu’ayant essayé d’avoir un nombre de parcelles le plus important possible et avec une bonne répartition sur le BAC, il reste difficile d’extrapoler ces données « échantillonnaires » pour avoir une meilleure estimation des contributions agricoles. Par ailleurs l’absence de suivi sur les zones non cultivées ou de prise en compte d’éventuelles sources de pollution non agricoles a souvent été reprochée – à juste titre – par les agriculteurs engagés.

De même, si l’étude des successions culturales a permis de mettre en évidence certaines situations à risques, leur fréquence peut relativiser leurs impacts. Il serait donc nécessaire d’étudier les reliquats à l’échelle de la rotation pour avoir une meilleure estimation des contributions aux fuites de nitrate.

Préconisation et accompagnement des agriculteurs

La méthode AZUR est avant tout un observatoire qui a permis de mettre en évidence les facteurs influençant le REH. Certains de ces facteurs sont liés aux pratiques des agriculteurs, il est donc possible d’en déduire des recommandations. Cependant l’accompagnement est resté limité à des constats et des tentatives d’explications. L’animation restant très timide sur les recommandations et actions à mettre en place. Par ailleurs, les mesures figurant au contrat d’engagement des agriculteurs sont pour la plupart déjà réglementairement obligatoires.

Dans un objectif d’amélioration de la qualité de l’eau, il serait nécessaire d’aller plus loin sur l’accompagnement au changement des pratiques et aborder également les questions de re-conception de systèmes.

Conclusions et perspectives

La méthode AZUR qui a été mise en place initialement sur les BAC « Grenelle » du département de l’Aisne, à titre expérimental, a répondu à son premier objectif d’implication des agriculteurs dans une démarche d’amélioration de la qualité de l’eau. Elle a également permis d’apprendre à travailler avec ce nouvel indicateur qu’est le REH et de définir des références nouvelles.

Ensuite étendue à d’autres territoires, la méthode a permis d’en apprendre plus sur les facteurs de variabilité dans des contextes variés et notamment l’impact des différentes successions culturales dont certaines étaient inattendues.

AZUR a également permis de confirmer le rôle fondamental de la gestion de l’interculture pour maitriser les pertes de nitrate ainsi que le rôle marginal de la gestion de la fertilisation azotée minérale de printemps qui constitue pourtant la pierre angulaire du programme d’action de la Directive Nitrates et sans doute l’élément le plus contrôlé.

La mise en œuvre de la méthode a néanmoins été confrontée à des difficultés dont les plus frustrantes, tant pour les animateurs que les agriculteurs, étaient de ne pas pouvoir expliquer certaines valeurs, ou encore les incertitudes sur les contributions à la qualité de l’eau.

AZUR est une première étape dans une démarche d’amélioration de la qualité de l’eau : celle du constat et de la sensibilisation. L’étape suivante, à savoir celle devant inévitablement déboucher sur des changements de pratiques voire une évolution des systèmes reste à construire.

Bibliographie

Burns I.G., 1976. Equations to predict the leaching of nitrate uniformly incorporated to a known depth or uniformly distributed throughout a soil profile. Journal of Agricultural Science, 86, 305-313.


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Retours d’expérience autour du REH/RDD/APL Droit d'auteur © par Julien Gaillard est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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